Chapitre 1
- enoxalia
- 9 août 2019
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 sept. 2019
Eternal est une collaboration avec l'une de mes amies ! On ne s'est pas concerté sur le déroulement de l'histoire, hormis les grandes lignes : alors s'il y a certains éléments ou événements qui s'enchaînent un peu bizarrement, c'est tout à fait normal.
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Blanc. Du blanc partout. Immaculé, vierge de toute trace d'humanité.
Glaciales. Les bourrasques balaient les Terres blanches inlassablement.
La neige, joyau du froid, brille de mille feux sous les rayons des soleils. Sa surface immaculée rehausse la beauté de ce sanctuaire inexploré.
Dans ce paysage d'une blancheur absolue, nulle trace de vie ne persiste, retournée à la poussière depuis bien longtemps. Seuls des monticules de neige parsèment ma vue de relief. Et encore. Parfois, j'ai l'impression qu'elles… qu'elles se déplacent, mues par des créatures qui me sont encore inconnues. Un frisson me parcoure. L'image de leurs crocs tranchants profondément enfoncés dans ma chair est encore imprimée dans mon esprit. Je secoue ma tête. Il faut que j'arrête d'y penser. Je suis seul, perdu dans ce désert de glace, et ce ne sont pas mes pensées pessimistes qui vont m'en sortir.
Cela fait des heures que les soleils m'agressent de leur lumière aveuglante. Je plisse les yeux, en vain. Ces poignards de lumières s'entêtent à brûler mes rétines. Même les paupières fermées, je sens encore leurs assauts incessants. Un soupir m'échappe ; il est inutile de lutter. Je suis trop faible. Je rouvre mes paupières, faisant face à l'horizon. Cette vue est magnifique. Un dégradé d'or habille le bout de ciel en face de moi, réfléchissant les dernières lueurs des astres. Cette scène aurait pu tirer des larmes à n'importe quel spectateur. Et pourtant, seule la lassitude m'envahit. Le temps est… compté. Bientôt, je retournerai… poussière. Serrant les dents, je m'efforce de continuer à avancer, malgré mes muscles perclus de douleur.
Mon pied s'enfonce dans la poudreuse. Crissant légèrement sous mes pas, la neige proteste devant cet affront. Je la piétine sans remords. Je ne crains pas la vengeance glacée de Hiver. Non, plus jamais je ne m'agenouillerai devant elle. Ma prise se resserre sur l'objet entre mes mains. Non, plus jamais. Si je dois tomber sur le chemin, si je doit saigner pour y arriver, qu'il en soit ainsi ! Tremblant sous l'effort, je fais un pas de plus.
Pendant des heures, j'ai poussé mon corps jusqu'à ces limites les plus retranchées. Les moindres parcelles d'énergie, je les ai consacrées à cette… marche interminable vers la liberté. Mes jambes… tremblent sous l'effort. À tout moment, elles peuvent me lâcher, laissant ma carcasse à la merci du sol gelé. Et de… de Hiver. Je chasse rapidement cette pensée, avalant difficilement ma salive. Il faut que… que j'arrête d'y penser.
Je me concentre sur mon corps, essayant d'oublier le maelstrom de mes pensées. Une sensation désagréable surpasse mes membres douloureux. La soif se fait sentir. La faim tiraille mes entrailles. Elles se développent, s'ancrent dans la moindre parcelle de mon organisme. Mes mouvements me semblent plus lents. Mes pensées semblent plus engourdies. Tout chez moins est passé en mode ralenti. Mon regard se porte sur l'étendue de neige. Est-ce… mon imagination ou la neige tremble ? Non, je dois sûrement l'imaginer. Je ferme les yeux, savourant la sensation de douce torpeur qui m'envahit. Cela doit bien faire… trois ou quatre jours que je n'ai rien avalé. Est-ce pour cela que je suis si… fatigué ?
Je manque de trébucher. Un instant d'égarement. Je secoue ma tête, chassant le sommeil qui engluait mon cerveau. Ceci fait, je me rends compte que je me suis arrêté. Mes sourcils se froncent. Depuis combien de temps suis-je à l'arrêt ? Quelques secondes ? Des heures ? Est-ce que qu'elles m'ont repéré ? Inquiet, mon regard balaie l'horizon. Rien. Je grogne, me giflant mentalement. Évidemment qu'elles ne m'ont pas retrouvé : sinon, je serais déjà mort à l'heure qu'il est. Je chasse ses pensées parasites de mon esprit. Repoussant encore une fois mes limites, je tente d'avancer. Encore un pas vers l'avant.
Encore un petit pas.
Un choc secoue la banquise. La glace se fissure sous mes pieds. Elle se craquelle en une étoile de mauvaise augure. Rapidement, une autre secousse suit. Mes yeux s'écarquillent. Quelque chose tente de briser la glace. Quelque chose tente de m'atteindre. Mon cœur commence à battre violemment contre mes côtes. Ma respiration s'accélère. Non ! Pas maintenant !
Puisant dans mes dernières ressources, je m'élance sur la glace. Un nouveau choc ébranle le sol. Mes bottes glissent sur cette surface lisse. Peu importe ! Il faut que je m'éloigne le plus possible de cette créature ! De la sueur coule de mon front. Je cours maladroitement, manquant de trébucher à chaque pas. Il faut que j'aille plus vite !
Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. Au même instant, des craquements me parviennent. Je sais que je ne devrais pas, mais je le fais tout de même : je me retourne. Derrière moi, une sirène jaillit, pulvérisant la glace sur laquelle je cours. Mes yeux s'écarquillent en rencontrant la lueur sanguinaire dans son regard. Ce monstre est assoiffé de sang. Pire, il est affamé. Comme répondant à mes pensée, la sirène s'élance à ma suite en hurlant. Pendant un bref instant de folie, j'ose contempler cette créature. Ses écailles, aussi sombres que la nuit et aussi luisantes que des étoiles, jurent avec la blancheur de la neige. Ses griffes acérées, remplaçant aisément des poignards, s'enfoncent profondément dans la banquise, tractant la masse derrière elles. Mais, par-dessus tout ça, c'est son expression carnassière qui m'effraie le plus. Retroussée au-dessus de ses dents pointues, ses lèvres forment un sourire affamé. Affamé de chair. Affamé de sang.
Comme si ma peur me procurait une énergie nouvelle, ma course s'accélère. Mes foulées s'allongent tandis que ma respiration se fait plus difficile. Malgré tout ça, je l'entends qui se rapproche. Son odeur iodé mêlé au sang de sa précédente victime me parvient. Dans un acte désespéré, je décroche de ma ceinture ma gourde vide et la lui lance dessus. L'objet métallique vient heurter son visage, me faisant gagner quelques précieuses secondes. Seulement, d'autres craquements se font entendre. Le reste du banc de sirènes jaillit hors de l'eau.
– Plus jamais je n'y retournerai. Vous m'entendez ! Jamais !



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